jeudi 17 novembre 2011

16.


Grand Corps Malade- Les voyages en train

« Orsay, ...,Massy, Massy Palaiseau. En raison d'un mouvement de grève, ce ter à destination de Denfert-Rochereau  ne desservira pas les gares de.... ».  Un soleil matinal faisait briller d'argent l'eau grise des flaques, d'arrêt en arrêt, aux pieds des silhouettes impavides que je voyais s'agiter. il restait encore des gouttes glissant le long des vitres, dans le wagon, nous étions six. Les ombres embaumaient nos visages tranquilles.  J'avais les jambes croisées, assise côté fenêtre, ma joue en était si proche qu'il me semblait sentir la froideur du dehors, je gardais les bras croisés dans un grand manteau rouge. Je sentais un regard posé sur moi.  Et en effet, y avait ce type qui me fixait, à quelques sièges de là, du genre maigre et chercheur de merde, ironie dans le regard, brun, presque beau. Il me faisait sourire jusqu'aux oreilles sans que je puisse le contrôler, ça me foutait des palpitations terribles, y avait quelque chose en lui qui me paraissait pas commun : je venais de flasher. Pourtant, je ne voyais pas quoi lui dire, je n'arrivais pas à tenir son regard plus d'une seconde, j'avais des bouffées de chaleur : en somme je fuyais, la timidité est un inextricable fardeau. 
Certains d'ailleurs, interprètent souvent mal ce genre de comportement, s'imaginant qu'il s'agit  d'hypocrisie, ou de manières (snobisme ?) . Sachez qu'il n'y a pas de moment avec les autres qui soit sans duel avec soi-même, où l'on se sent pas du plus ridicule, d'être pris pour ce qu'on n' est pas, juste à cause d'une forme d'handicap. D'être condamnée au mutisme, au factice, par difficulté à être assuré de sa personne, à sortir de sa coquille et pour cela se juger sévèrement.  J'étais totalement dominée par ma peur de (ré)agir, anesthésiée des pensées jusqu'au cœur, dans l'impossibilité d'être raisonnable.   J'eus envie à cet instant d'être moins sotte, et me contrôler un peu : à l'intérieur de moi, j'aime passionnément l'insolite, et ça me bouffait de ne pas pouvoir l'exprimer. Je voulais à présent vivre quelque chose qui m'intriguait, planter mes yeux dans ceux de l'inconnu, mais il descendit l'arrêt suivant, je levais vers lui mes yeux mais trop tard, la porte venait de se fermer. La vitre me renvoya le reflet d'une fille, assise, toute seule .
 

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