jeudi 17 novembre 2011

11.





Je me rappelle qu'avant, quand on me disait poésie par hasard, je pensais simultanément comme évidence, à un trésor, dont on pouvait jouir par la seule pensée. J'imaginais un élan du cœur, une lancée de mots, s'emboîtant dans l'humeur du moment et qui donnait des sons couleurs et des images pimpantes à la plus médiocre des actions.  Je ne pouvais pas dès lors m'arrêter d'écrire, car je me croyais poète, première adhérente de ma définition, sans doutes parce que ça me valorisait dans l'âme.  A l'époque, je ne connaissais rien de la littérature, je lisais sans savoir lire, je croyais comprendre alors que je n'avais pas les clés.  Mais bon sang, quel bonheur c'était de nager aveugle et sourde, dans sa propre bêtise.  Et puis un jour, j'ai pris ma claque, belle, sifflante, devant un texte de John keats. Il s'agissait du poème de la Dame sans Merci, écrit pour Fanny Brown. Je le trouvais si beau, que j'avais l'envie forte de le comprendre sous toutes ces coutures,  et cela m'a poussé à lire autobiographies, essais critiques à son sujet. Quand j'eus compris quel fut le destin de cet homme, valdingué entre maladie du corps, travail, et misère  j'ai réalisé déjà combien il fallait être extraordinaire pour être poète; Il faut chaque jour écrire, vouer de son temps à cet art, sans jamais le mépriser. Il faut sacrifier de sa vie pour le faire naître. Il faut être conscient de soi-même et du monde , être capable de lucidité dans le réel, et de spiritualité dans le rêve. 
Nous seuls souvent, en lisant un poème, nous cherchons un moyen d'être touché métaphysiquement par ce qui nous est connu, expérimenté.  Ainsi, dans la poésie, nous ne voyons toujours que notre propre reflet, et il nous semble alors être aussi sensible que l'auteur. C'est sincèrement une illusion, et pour le comprendre, il faut étudier parfaitement un texte. Il faut l'imaginer écrit de la main d'un homme, entrer dans les mots, s'interroger sur la syntaxe, chercher les références, pour s'imaginer la densité de ce mythe qui nous écrase . Alors c'est seulement après avoir bien lu, et bien trouvé des pairs chez les autres poètes, que l'on peut commencer à se construire esthétiquement. Je ne suis pas poète, mais j'avoue pour ma part avoir été vraiment séduite par l'exotisme de Saint John Perse, tout en ayant été fâchée de son parloir bourgeois perpétuellement nostalgique, j'ai frémis sous la plume de Rimbaud, qui me donnait l'impression d'embrasser Nina, tant son art me parlait, Garcia Lorca, j'ai pleuré avec et contre lui, oh et Apollinaire, que sa Lou me faisait envier. Puis y a aussi la poésie dans la prose, qu'il ne faut pas ignorer, avec un Céline flamboyant, haletant de pamphlétaires aphorismes, ou le chic de Flaubert, la massive pensée de Proust, l'aventureuse jeunesse de Casanova. Tous ces mondes qui sont le pilier d'un regard dominateur sur le monde, d'une vue plus large, d'une âme de moins en moins matérielle. Quelle masse ! Quel découragement. Tout en sachant gérer son temps, vivre peu mais bien , écrire beaucoup, le poète doit aussi ne jamais se refuser à exprimer régulièrement à l'écrit ses expériences, pour évoluer en dedans et en dehors de lui.  Oui, la poésie reste un miroir, la plus grande difficulté, c'est de vieillir dans le cœur et l'esprit plus vite que les rides. Je ne sais pas si vous vous essayez à la poésie comme moi, avec autant de frustration, jusqu'à avoir l'impression de fleurer des étoiles qui ne sont plus vierges.  Je ne sais pas non plus comment vous choisissez vos mots, comment vous vient l'inspiration ? Pour ma part, j'ai réellement adhéré à ce que disait le 16ème sur la poésie ou presque. La poésie est je crois, moi aussi, d'après choix, la recherche de la gloire, de la postérité, car sinon nous ne serions pas aussi nombreux à s'y essayer. C'est aussi vraiment l'impression d'avoir un projet, un grand projet, aussi humain que spirituel. On travaille sur sa feuille, et soudain parfois, nous aussi ressentons l'enthousiasme (la voix de Dieu) enchainant des vagues d'inspiration et de créativité. Uniques éléments de notre bonheur. On cherche le beau, même dans le laid, on veut dépasser le réel tout en s'inspirant de nos propres contemplations.  Là je me différencie du 16ème siècle, le romantisme a tout changé à ce niveau là. Le réel n'est plus que matière ou nature, c'est le regard de l'individu qui souhaite par son écriture le Beau et/ou le Bien . Enfin, tout ça c'est du  « blabla », parfois je m'enflamme vraiment pour rien, et là j'avoue que mes commentaires sur la poésie doivent sembler bien inutiles. 

Jonny Cash- Ain't no grave

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